Vitis vinifera sylvestris, la vigne sauvage, est présente en Gaule méridionale depuis le Paléolithique inférieur et c’est avec le réchauffement du climat qu’elle remontera la vallée du Rhône jusqu’au piémont des Alpes du nord et ensuite en Allemagne.
A la fin du VIème siècle av. J.C. la vigne est cultivée et l’on a trouvé dans plusieurs sites (notamment sur les rives du lac d’Annecy) de l’âge du fer des pépins de raisins issus de vignes domestiques.
Des études récentes ont démontré que si l’art viticole a été importé de Grèce, les cépages étaient bien autochtones. Le premier cépage repéré en Savoie semble être la Vitis Allobrogica. Plutarque, Pline l’Ancien, Columelle et Celse en firent la description dès l’an 18 de notre ère.
Les Allobroges étaient une peuplade d’origine celte installée du Lac Léman à Grenoble, et de la Savoie au Sud de Vienne (38), vers 500 avant J.-C.
Selon Columelle, les Romains trouvèrent de la vigne en pays allobroge à leur arrivée en 120 avant J.-C., mais l’on peut penser que s’ils ne furent pas les premiers promoteurs de la culture de la vigne à des fins viticoles, ils l’encouragèrent grandement en favorisant notamment les échanges par delà les Alpes. Ils utilisaient le vin comme monnaie d’échange pour commercer avec les habitants des hautes vallées et ils en tiraient « une affaire d’honneur national ». La Mondeuse noire était cultivée sur tout leur territoire (traits-tillés).
En 92 la concurrence des vignobles transalpins conduisit l’empereur romain Domitien à prescrire l’arrachage de la moitié des vignes hors d’Italie et à interdire toute nouvelle plantation de vigne dans la région. Heureusement son successeur Probus (232-282 après J-C) abolit ce décret.
Une pierre conservée au musée archéologique d’Aix-les-Bains porte une inscription romaine datant de la seconde moitié du IIème siècle qui atteste de la présence de vignobles dans la région.
Au VIème siècle Abbon confirme dans son testament en faveur de l’abbaye de Novalaise la présence de vignes en Savoie.
Avant l’an Mil des actes de cession font état de vignes monastiques dans la région, et la carte des vignobles se calque sur celle des prieurés et des abbayes de Savoie. Ainsi au XIème siècle, le prieuré du Bourget reçoit parmi d’autres donations quelques parcelles de vigne.
Aux XIIème et XIIIème siècles, toujours sous l’impulsion d’établissements religieux, la vigne est cultivée de l’avant pays jusque dans les vallées retirées (on la cultivera à plus de 1000 mètres d’altitude en Maurienne jusqu’à la fin du XIXème siècle). A cette époque la vigne est cultivée de trois façons différentes : en taille basse et plantée en foule, c’est à dire sans alignement, en hutin (hautin) sur souches élevées, ou en pergola.
La Savoie n’exportait que très peu de ses vins au Moyen-Age, outre la Suisse et la cour Pontificale d’Avignon le plus gros client restait le clergé et les évêques, et notamment ceux de Grenoble.
Si la production est principalement composée de vins médiocres à faible degré alcoolique, certains vignobles déjà renommés de la rive sud du Léman, de Seyssel, de Chautagne, de la montagne du Chat, de la cluse de Chambéry et de la combe de Savoie fournissent des vins de qualité réservés à la noblesse et au clergé.
Dès le XIIIème siècle l’activité agricole des monastères est relayée par l’intérêt croissant des nobles et des bourgeois pour les vignobles.
L’Etat savoyard légifère dès le XVIème siècle pour tenter d’enrayer le fléau de la surproduction et pour protéger les vins de qualité.
En 1556 le Duc Emmanuel-Philibert (qui vient de transférer sa capitale de Chambéry à Turin) fixe des limites à la progression de la surface viticole en décidant qu’elle ne devait pas représenter plus d’un tiers de la surface agricole. En 1559 il crée une première réglementation des vendanges pour éviter le pillage des vignes, et en 1567 l’Etat ducal lève un premier impôt sur le vin, certaines villes ne tarderont pas à en faire de même.
L’effondrement du mont Granier
Dans la nuit du 24 au 25 novembre 1248 le Mont Granier (1933 mètres) situé au croisement de la vallée du Grésivaudan, de la combe de Savoie et de la cluse de Chambéry s’effondre partiellement, miné par des pluies. Ce formidable glissement forme une langue de couches marneuses, de pierraille et de blocs de rochers mêlés qui ravage la vallée sur une superficie de 12 km², détruisant la petite ville de St André siège du décanat de Savoie, une quinzaine de hameaux et tuant au passage près de 5000 personnes.
L’avalanche s’arrêtera au pied du village de Myans que l’on dédiera à la Vierge. On ne retrouvera que de maigres vestiges des habitations. Au XVIIIème siècle les Chambériens entreprendront de faire pousser de la vigne sur les éboulis du Granier. C’est sur ce site que l’on élève aujourd’hui les plus célèbres crus de Savoie que sont Abymes et Apremont.
Le dernier effondrement notable a eu lieu en 1953.
Du XVIIème au XIXème siècle le vignoble savoyard ne cesse de s’agrandir et le commerce de prospérer. On constate au XVIIIème siècle une évolution notable des techniques de culture de la vigne qui n’avaient pas changé depuis le Haut Moyen Age. Ainsi les hautains qui produisaient des vins médiocres commencent à disparaître au profit de la culture en taille basse, les vignes sont ordonnées en lignes et ne sont plus plantées de variétés différentes, cépages blancs et rouges confondus.
Le souffle de la Révolution Française touche la Savoie délaissée au fil des ans par ses souverains Piémontais. Le 29 novembre 1792 la Savoie devient le 84ème département français sous le nom de département du Mont-Blanc, elle restera française jusqu’en 1815. La noblesse et l’Église sont dépossédés de leurs biens, la bourgeoisie locale se rend alors propriétaire des vignes et ce n’est qu’après 1830 que se morcellent les grands domaines viticoles au profit de petits propriétaires paysans. Le XIXème siècle est marqué par une politique protectionniste à l’encontre des vins français qui dominent le marché.
En publiant en 1819 « l’Art de faire du Vin » Chaptal apporte des conseils judicieux pour une amélioration des conditions d’hygiène dans la vinification et énonce la nécessité d’un « équilibre de la matière première qu’est la vendange pour obtenir un équilibre dans le vin après transformation; équilibre qui pour les vins rouges a pour base les tannins, les acides et l’alcool ».
C’est Louis Pasteur qui découvrira quelques années plus tard l’origine biologique de la fermentation et jettera les bases de l’œnologie moderne.
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle l’installation du chemin de fer dans les vallées modifie singulièrement les habitudes de consommation en favorisant notamment l’importation de vins du Midi, malgré l’augmentation des taxes douanières décrêtée par l’état Sarde. Il ne semble pas que l’Annexion de la Savoie par la France en 1860 ait eu des incidences à court terme sur la production viticole.
La situation empire lorsque l’oïdium, le phylloxéra (1876-1893), puis le mildiou et le black-rot frappent le vignoble savoyard : en quelques années, ces fléaux successifs menacent l’existence même de la viticulture européenne. Le terroir savoyard est durement frappé et manque de disparaître. Plus rien ne sera jamais comme avant.
La reconstitution du vignoble, quasi complète dès 1892, s’accompagne de profondes transformations : la culture en treilles simples devient définitivement majoritaire au détriment des hautains. Cette période voit aussi la fin de l’ « aristocratie viticole ».
Cependant la crise va durer jusqu’en 1905, elle sera suivie de la mévente de 1922, du gel et de la grande crise économique de 1929.
L’entre-deux guerres confirme cette déchéance, on n’exploite plus qu’un vignoble réduit de moitié.
En 1937 les vignerons de Seyssel font une demande de classement en Appellation d’Origine Contrôlée, celle-ci aboutit en 1942.
L’après-guerre marque le début d’une renaissance du vignoble savoyard : les méthodes de culture et de vinification se modernisent, les rendements s’élèvent et la qualité s’améliore. Commence alors une nouvelle transformation due à l’organisation de la profession et à l’essor du tourisme hivernal.
En 1948 le vignoble de Crépy est classé à son tour en A.O.C. Le label Vin de Qualité Supérieure est attribué aux vins de Savoie en 1954, enfin ils obtiennent l’ A.O.C en 1973.
Aujourd’hui, le déclin des petites exploitations inférieures à 1 ha s’accélère, alors que les unités de plus de 5 ha sont en pleine expansion.
Si la production totale de vin est en augmentation depuis 1980, le nombre de viticulteurs déclarants décroît au rythme de 4 à 5 % par an et est actuellement inférieur à 4000.
La moitié des vignes a plus de 20 ans, 26 % a moins de 10 ans et 41 % plus de 30 ans.
Les vins de Savoie sont produits dans les départements de Haute-Savoie (8%), de Savoie (80%), et aux marches des départements de l’Ain (4%) et de l’Isère (8%). Les vins blancs constituent plus des 2/3 de la production annuelle.
Les 22 crus proviennent de 9 régions principales :
– La rive sud du Léman, pays du Chasselas, produit les crus de Crépy, Marignan, Marin et Ripaille.
– La côte d’Arve, patrie du Gringet donne le cru d’Ayze.
– La vallée des Usses, où règne l’Altesse, a pour cru le Frangy.
– La rive droite du Rhône dont les vignes de Molette et d’Altesse produisent le Seyssel.
– La Chautagne, où le Gamay fait merveille a son propre cru de Chautagne.
– Le val du Bourget n’a plus de cru local mais il donne divers « vins de Savoie » rouges et blancs et un « vin de Pays d’Allobrogie ».
– La montagne du Chat réputée pour sa Roussette et ses crus de Marestel et de Monthoux, ainsi que les crus de Jongieux.
– La cluse de Chambéry est surtout le fief de la Jacquère pour les célèbres crus d’Abymes, d’Apremont, de Chignin et Saint-Jeoire-Prieuré. La Roussette subsiste encore à Monterminod et enfin la Roussanne donne le célèbre Chignin-Bergeron.
– La combe de Savoie terre réputée de pépinières viticoles où la Mondeuse s’épanouit dans les crus Arbin et Saint-Jean-de-la-Porte, auxquels s’ajoutent les crus de Cruet, Montmélian.
Aujourd’hui le Comité Interprofessionnel des Vins de Savoie regroupe les trois Syndicats de défense d’appellation, et le Syndicat des négociants en vins du secteur. Il fait partie des 30 Comités interprofessionnels des Vins de France. Il a été créé en 1987 pour assurer la promotion des Vins de Savoie et pour mieux connaître leur marché.