La question du bouchon ne se pose que depuis peu de temps. Pendant des siècles on a stocké le vin dans des outres, des amphores ou des tonneaux. Le mot bouchon dérive, au XIVe siècle, du vieux français bousche qui désignait le matériau (chanvre, foin) utilisé pour clore un récipient et l’on utilisa à cet effet de nombreux matériaux comme le bois, la cire, le liège, le cuir, l’étoupe ou le verre.
Le bouchon de liège que nous connaissons aujourd’hui ne fit son apparition qu’au XVIIe siècle en Angleterre où l’on eut l’heureuse idée de renforcer le goulot et le cul des bouteilles pour qu’ils résistent à l’introduction forcée d’un cylindre de liège. Cette modification eut notamment pour conséquence de favoriser la consommation de vins qui avaient passé plusieurs années dans leur sarcophage de verre (Il est cependant nécessaire de changer les bouchons après 30 ou 40 ans d’usage !).
Le mot liège vient du latin levis qui signifie léger. Le liège est tiré de l’écorce de chênes-liège (Quercus Suber) qui poussent en suberaies sur le pourtour du bassin méditerranéen. Trente ans sont nécessaires pour qu’un arbre puisse être récolté pour la première fois. Neuf à douze ans sont nécessaires entre deux récoltes.
Le bouchon traditionnel en liège est un produit naturel. Le Portugal fournit 4/5èmes de la production mondiale actuelle, le reste vient d’Espagne, d’Algérie, du Maroc, d’Italie et de France.
La production de bouchon est complexe et comporte de nombreuses étapes : levée du liège « femelle » sur le chêne (le liège « mâle » constitue la toute première écorce du chêne) par un démascleur, séchage, ébouillantage puis repos en plaques aplanies pour acquérir l’élasticité nécessaire. Les plaques de liège sont ensuite examinées minutieusement pour sélectionner les différentes qualités avant de passer à la découpe en bandes puis en cylindres. Après un calibrage parfait le bouchon est lavé, désinfecté et aseptisé. Après ces opérations : nouveaux examens, nouvelles sélections (il existe 6 ou 7 qualités différentes de liège), marquage, dépoussiérage, traitement à la paraffine ou aux silicones et enfin conditionnement pour l’expédition. Ouf !
C’est à ce moment que les choses se compliquent. Qu’est-ce que le goût de bouchon qui infesterait 5 % de nos bouteilles ?
Une étude menée en 2002 sur des vins de Bourgogne a constaté que 67 % des vins dits « bouchonnés » étaient défectueux du fait du bouchon et 8 % à cause de contaminations extérieures.
Le véritable « goût de bouchon » qui confère a une odeur putride et rend le vin écoeurant est très rare. Il semble dû à une molécule de tétra-méthyl-hydronaphtalène.
Dans 70% à 80% des cas le goût de bouchon est dû à la molécule 2, 4, 6 – Trichloroanisole (TCA*) mais le problème n’est pas si simple car peuvent être mis en cause des levures, la maturité du liège lors de sa récolte, l’entretien des chais, et même les palettes sur lesquelles on a empilé les cartons de bouchons neufs… En effet le liège est un « buvard chimique il absorbe très (trop) facilement les molécules en suspension dans l’air ambiant.
L’odeur de moisi, un autre défaut caractéristique, est dûe à la molécule 2, 3, 4, 6 – Tétrachloroanisole (TeCA). Elle intervient sur des vins qui n’ont jamais été en contact avec du liège, mais qui ont pu être contaminés par voie aérienne dans une cuve ou lors de l’embouteillage.
Une autre odeur de moisi est dûe à la molécule 2, 4, 6 – Tribomoanisole (TBA) qui est souvent utilisée comme agent ignifuge sur des palettes de bois afin de les rendre ininflammables .De même, les bondes en silicone, les joints en caoutchouc, les bouchons en matière plastique sont susceptibles de fixer les TBA.
Alors que faire ? Il existe nombre de techniques plus ou moins fantaisistes qui n’ont pas su convaincre ni les producteurs, ni les consommateurs car ces opérations ont tendance à modifier la structure intime du liège qui ne peut plus remplir son rôle en restant perméable à l’air et étanche au liquide.
Voici la liste des principaux types de bouchons qui ferment nos bouteilles modernes :
1. Le bouchon de liège qui peut se décliner sous plusieurs formes :
– les bouchons naturels qui peuvent conserver le vin plus de 10 ans s’ils sont sains et de bonne qualité.
– les « bouchons colmatés » : ses nombreuses lenticelles sont colmatées avec de la poussière de liège et un liant solvé (garde 3-5ans).
– les « bouchons agglomérés » : ils sont constitués de granules qui proviennent de chûtes de tubage et liées entre elles par une colle polyuréthane (garde 12 mois).
– les « bouchons 1+1 » : constitués d’un manche naturel en liège aggloméré aux extrémités duquel sont fixées deux rondelles en liège naturel (garde 2-5ans selon la qualité des rondelles) .
– les bouchons « technologiques » constitués de liège aggloméré débarassé du risque de goût de bouchon par un lavage au gaz carbonique (150 molécules volatiles sont ainsi extraites). La garde serait identique à celle du bouchon de liège.
2. Les capsules à vis sont constituées d’une capsule d’aluminium verni et d’un joint en étain ou en matière polymère disposé à l’intérieur assurant l’étanchéité sur le buvant du col de la bouteille. Les vignerons suisses et savoyards frontaliers utilisent couramment les capsules à vis pour les vins qui doivent être consommés rapidement. En effet l’aluminium a une étanchéité parfois trop hermétique alors que le vin a besoin d’un minimum d’oxygène pour se conserver et évoluer de manière satisfaisante. La durée de garde peut cependant être de plus de 10 ans dans de bonnes conditions.
Pour les vins les plus fragiles, il peut être nécessaire de procéder à un inertage par l’azote avant le sertissage car le dégarni (espace entre la vin et le bouchon) peut renfermer de l’oxygène et contribuer à une oxydation intempestive.
3. Le bouchon synthétique est obtenu à partir de résines polymères et fabriqué à partir de trois technologies :
– les bouchons injectés-moulés (garde 18 mois)
– les bouchons mono-extrudés (garde 2 ans)
– les bouchons co-extrudés (garde 3-5ans)
Il répond mieux à nos critères culturels mais pose le problème de sa trop grande rigidité qui peut entraîner des risques d’oxydation non désirée du vin. Enfin la question de la contamination par stockage reste entière car le plastique est une matière absorbante, notamment des goûts indésirables.
Enfin, il existe depuis peu des bouchons qui allient un corps en verre avec un joint élastomère qui assure l’étanchéité. Ce produit reste confidentiel notamment à cause de son coût et l’on manque de recul pour déterminer sa fiabilité.
Le dossier n’est pas prêt d’être clos, en tout cas tant que l’on n’aura pas trouvé une alternative totalement satisfaisante à ce merveilleux produit qu’est le liège.
*les TCA : elles ont été isolées par Pierre Dubois, Maître de recherche à l’INRA de Dijon.
« Une molécule de chlore rencontre une moisissure et des phénols, des composés aromatiques. Trois ingrédients existants à l’état naturel : le chlore est partout. Dans les produits désinfectants, sur l’écorce du liège (en raison de la pollution), dans les insecticides passés sur le bois des palettes…
Quant aux phénols, on les trouve aussi partout (ils sont à la base des arômes, des tanins, des couleurs…). Mais mis en présence de moisissures, le chlore les attaque et se dégrade avec les phénols par des réactions chimiques en chaîne jusqu’à aboutir à des composés arômatiques extrèmement désagréables : les trichloroanisoles ou TCA. » (source ).
On dit qu’une cuillère à café de TCA purs suffirait à infecter la valeur d’une piscine olympique remplie de vin.
Sources :
– www.vignevin-sudouest.com
– Le Point spécial vins n° 02405