Le terroir est l’ensemble des facteurs naturels -climatiques, pédologiques, géologiques- et humains -usages, savoir-faire- qui constituent l’environnement de fait d’un vignoble et président à l’élaboration du vin.
S’il est aisé de découvrir aujourd’hui les terroirs de Savoie, on a peine à imaginer ce qu’ils furent autrefois car nombre d’entre eux ont disparu suite à la crise phylloxérique ou à cause de l’urbanisation du XXème siècle.
Qui peut se vanter d’avoir bu des vins de Tarentaise, de Maurienne, des vallées de l’Arve ou du Guiers ? Qui sait encore que la cluse qui va de Faverges à Annecy était tapissée de vigne jusque sur les bords du lac ? Qui connaît encore les vins de Digny au bouquet de truffe et au goût de calcaire, ceux de Virieu, de Conflans ou bien de Bossey ?
On ne recense actuellement plus que huit terroirs distincts qui représentent les régions de production des 22 crus savoyards.
Autrefois la vigne acclimatée dans les vallées intra-alpines a pu mûrir à des altitudes élevées. En 1943 Le géographe Raoul Blanchard observait « qu’un des vignobles les plus forcenés du domaine alpin » poussait à 800 mètres, à l’adrêt de Bozel en Tarentaise alors qu’en Maurienne on cultivait la vigne jusqu’au village de St André à près de 1000 mètres d’altitude. Il faut bien reconnaître que les résultats étaient souvent assez médiocres. A l’inverse, les vignobles aujourd’hui disparus de l’Echaillon et de Princens au-dessus de St Jean de Maurienne produisaient un vin (cépage Persan) très estimé au XIXème siècle.
On pourrait continuer de penser que la culture de la vigne est inappropriée en montagne. Ce serait faire erreur et méconnaître les très estimables crus qui poussent aujourd’hui sur les flancs plus ou moins escarpés des massifs des Alpes.
La vigne n’est pas une plante exigeante et peut s’accommoder de sols variés et de conditions climatiques difficiles si la combinaison entre altitude, pente du terrain et exposition est favorable. A cela doivent s’ajouter un ensoleillement convenable (11° de moyenne sur l’année et 18° en été ) et 800 à 1000 mm de pluie. La Savoie, profitant du climat tempéré du 45ème parallèle répond parfaitement à ces conditions.
« Le vignoble savoyard forme une mosaïque complexe au gré des différentes vallées dans lesquelles il est établi en îlots plus ou moins importants. Cette diversité géographique se retrouve dans les variantes climatiques, accentuées par le relief ou tempérées par le voisinage des lacs Léman ou du Bourget ». (Guide Hachette 1994 des Vins)
Le Relief
« La production d’un vin de qualité exige un sol pauvre en matières organiques et en éléments fertilisants qui limitent naturellement la vigueur de la plante. Le sol également doit être filtrant, c’est à dire comporter une proportion de cailloux suffisante pour jouer le rôle de drains et accessoirement ajouter un effet thermique en restituant pendant la nuit la chaleur emmagasinée durant la journée. Enfin, un sol clair apparaît bénéfique dans la mesure où il aura tendance à réfléchir vers la plante les rayons solaires. Les sols réunissant tout ou partie de ces caractéristiques sont nombreux en Savoie.
Avec une altitude moyenne de 1500 m, 36 sommets de plus de 3 500 m et 107 de plus de 3000 m, la Savoie s’identifie comme un département de haute montagne dans lequel on a peu de chance de découvrir des vignobles.
Mais les glaciers du quaternaire ont modelé de grandes vallées et, en se retirant, abandonné d’importantes quantités de roches arrachées aux sommets ou aux versants : les moraines. Ces amas ainsi que les cônes de déjection torrentiels ou les effondrements accidentels (Granier), combinés à des conditions altitudinales (entre 300 et 600 m) et à des expositions propices constituent des sites privilégiés pour l’implantation de la vigne.
Le Climat
« En dépit de son caractère montagneux, la Savoie présente un climat étonnamment tempéré, sa dominante continentale étant modulée par de fortes influences océaniques. Mais c’est surtout le contraste des situations, trouvant son origine dans les différences d’altitude, qui apparaît le plus marquant.
Les précipitations, augmentant avec l’altitude, atteignent un niveau relativement élevé en Savoie (1 200 mm par an), mais sont réparties de façon homogène (environ 150 jours) sur les différents mois de l’année. Du fait de l’installation du vignoble sur des sols souvent pentus et généralement bien drainés, l’importance des apports d’eau n’est pas gênante. Par contre, leur régularité favorise le développement des maladies cryptogamiques, peut engendrer la coulure au moment de la floraison et prédispose aux gels de printemps, quand la neige stationne encore à basse altitude, ou aux chutes de grêle estivales.
La valeur moyenne des températures se situe autour de 10°C, soit à peine au dessus du seuil de 9,5° C qui constitue la limite généralement admise pour la culture de la vigne. La proximité de cette limite accroît le risque de gel.
Les gelées d’hiver sont relativement rares car les cépages régionaux peuvent résister à des températures de l’ordre de -15°C et la neige constitue souvent une protection. Par contre, les gelées de printemps sont plus fréquentes et le seul moyen de lutte passive consiste à éliminer la vigne des zones de fond de vallée où les risques sont les plus grands.
Avec une moyenne de 1 800 heures à Chambéry, l’ensoleillement savoyard accuse un déficit de près de 1 000 heures par rapport au vignoble méditerranéen. Mais les versants occupés par la vigne bénéficient d’un apport énergétique supérieur du fait de leur exposition. De plus, ces caractéristiques conduisent le raisin à maturité vers la fin du mois de septembre, alors que les grandes chaleurs sont passées.
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Du fait de son enclavement entre de grands massifs, la Savoie est peu ventée. Le régime des vents combine un flux dominant d’ouest (doux et humide) et un vent du nord (froid et sec), redouté au printemps.
Il se complique avec les brises qui, sous l’effet du soleil, remontent le matin l’air plus chaud et parfois humide des vallées (induisant des risques d’orage) et, inversement, ramènent le soir
l’air refroidi en altitude.
Les conditions climatiques nécessaires à la culture de la vigne sont donc globalement satisfaites en Savoie. Cependant, la marge de sécurité vis à vis des contraintes d’ensoleillement et de températures demeure étroite. Il suffit, par exemple, d’un printemps froid et humide ou d’un automne moins clément qu’à l’accoutumée pour produire un vin déséquilibré ou même réduire à néant le travail du vigneron ».
Doc. Comité Interprofessionnel des Vins de Savoie
- Chautagne
- Cluse de Chambéry
- Combe de Savoie
- Côte d’Arve
- Montagne du Chat
- Rive sud du Léman
- Rives du Rhöne
- Vallée des Usses
Sites particuliers
Nous n’avons évoqué jusqu’à présent que les grandes régions viticoles des Savoie. Pourtant quelques vignobles résistent encore à l’urbanisation et à l’industrialisation de nos vallées, ils sont le fruit d’une volonté farouche profondément ancrée dans notre terroir montagnard. Bien entendu ces vignobles sortent des chemins battus et n’ont pas droit aux appellations, mais ils s’en moquent car ils sont bien vivants. De Féchy à la Tarentaise, de Carra à la Maurienne allons à la rencontre des vignobles méconnus.
Archéologie viticole
Pour conclure cette page consacrée aux terroirs savoyards voici une visite de sites où la vigne fut cultivée mais d’où elle a (quasiment) disparu. Le premier témoignage de cette activité est souvent une étiquette.
On trouvera en page « Cartes postales » des illustrations de certains de ces terroirs disparus
Bossey (74)
Bossey est un petit village situé au pied du Salève, à 5 ou 6 km de Genève, qui dépendait du territoire du Roi de Sardaigne pour le civil et de Genève pour le religieux, il est aujourd’hui en Haute-Savoie. Longtemps les vignes furent les seules ressources de ses habitants. En 1148 l’obituaire du chapitre de Saint-Pierre de Genève faisait obligation chaque année au Comte Amédée de Savoie de donner un tonneau de Bossey aux chanoines et il semble que ce vin ait joui d’une certaine renommée depuis cette époque.
Comme dans tous les autres terroirs, la crise phylloxérique fit des ravages et 120 ha des 200 existants auparavant furent replantés. En 1935 on n’en trouvait déjà plus que 19 ! L’agriculture locale s’était tournée vers le maraîchage, moins exigeant et plus rentable.
Une embellie eut lieu après la seconde guerre mondiale et le vin de Bossey obtint l’appellation Vin De Qualité Supérieure par arrêté ministériel du 27 octobre 1963. Il ne subsiste plus de vigne aujourd’hui à Bossey !
Monnetier-Mornex (74)
La petite ville de Monnetier-Mornex ( 2 163 habitants en 2005) située tout près de Genève, se trouve répartie en trois villages entre le Salève, le petit Salève et le Mont Gosse.
La vigne y est certainement apparue vers le XIVème siècle. Une bulle pontificale de 1599, précise que pour son traitement, le curé de Reigner devait recevoir (entre autres) : « dix-huit setiers de vin, mesure de Mornex ».
On cultivait à Mornex du Chasselas, avec un peu de rouge « qui murissait mal les mauvaises années ». La production alimentait les particuliers et les 7 cafés de la commune.
Evidemment, la vigne disparut des coteaux de Mornex avec l’urbanisation et il n’en subsiste quasiment rien depuis les années 1950.
Sources : Bulletin municipal de Monettier-Mornex-Esserts n°14, année 1992.
Merci à G. LEPERE, webmaster de La Salévienne.
Talloires (74)
Cette étiquette date sans doute de l’entre-deux guerres, on peut encore y deviner le village de Talloires, son église, des vignes.
On ne cultive plus guère de vigne sur les bords du lac d’Annecy. Ses rives en étaient pourtant garnies au début du siècle, d’Annecy-le-Vieux au Bout du lac (Voir la page « Cartes postales »).
Robert Jeantet nous rapporte cette anecdote :
« En amont de l’église de Talloires, le terrain qui sert actuellement de cimetière à cette petite commune appartenait jadis à un dénommé Motte qui cultivait du raisin. Quand la commune a repris le terrain pour lui donner sa fonction actuelle le souvenir de Motte a perduré, de sorte qu’il arrive aux personnes âgées de Talloires d’utiliser parfois une expression qui rappelle le lointain passé : « Ah, l’an prochain, je serai dans la vigne à Motte… »
Cette étiquette provient des collections de l’Association d’histoire et d’archéologie les Amis de Viuz-Faverges, elle est visible au Musée de la vigne et du vin à Montmélian.